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30 décembre 2006 6 30 /12 /décembre /2006 07:06

 La catégorie "coin lecture", est destinée aux livres ; aujourd'hui, une exception, un film : "Le Grand Silence" de Philip Gröning.

Extrait pjoto Philip Gröning

 

Ce film remarquable est sorti le 20 décembre. Il ne va sûrement pas attirer les foules et encore moins les médias. Nous étions une bonne dizaine dans la salle de cinéma  au début de la séance, et un peu moins à la fin.

"Le Grand Silence" est un film documentaire sur les moines de la Grande Chartreuse. Un documentaire de 160 minutes pendant lesquelles Philip Gröning montre ces hommes dans leur vie quotidienne et solitaire.

Quelques mots sur les moines Chartreux, ordre des cartusiens, l'un des plus austères dans le monde chrétien. Leur choix de vie est une vie érémitique (complètement retirée du monde), faite de solitude et de silence. Le moine est seul dans sa cellule où il prie, mange et dort. Seuls les dimanches le repas est pris en commun au réfectoire, et les offices à l'église les réunissent...

Il a fallu plus de seize ans à Philip Gröning pour avoir l'autorisation de filmer dans le monastère sous conditions: seul, sans équipe d'assistants, sans musique et sans bruit. C'est réussi ; outre les magnifiques images de la nature et de la Grande Chartreuse sous la neige, Philip Gröning nous fait toucher du doigt le sens de la vie de ces moines que nous n'arrivons pas facilement à appréhender.

Le film est silencieux : peu de paroles, pas de musique mais quelles images !  "Un prodige d'ombre et de lumière, de beauté naturelle et de grâce surnaturelle, du temps qui s'écoule et de l'éternité qui subsiste."

Des images qui reviennent sans cesse, comme la goutte d'eau qui tombe du bassin en émail dans l'évier, les portraits de moines face à l'objectif, sans un mot, le regard fixe, quelques battements de cils et, parfois, un tremblement de lèvres, l'esquisse d'un sourire.

La répétition de cartons (écrits), des mêmes plans qui reviennent incessamment, de mêmes images, se conjuguent avec la fin du film qui se termine comme il a commencé, dans le  même hiver avec les mêmes séquences, pour un éternel recommencement ; donnent une impression d'éternité. Justement, dès le début du film on apprend que ces moines sont à la recherche de l'Eternel.

Evidemment, on ne peut pas ne pas se poser de questions, qu'est ce qui peut bien attirer ces hommes pour accepter tant de renoncements, et on comprend vite que leur vie n'est rien d'autre qu'une continuelle, perpétuelle prière. Comme le balancier maintient l'équilibre du funambule sur son fil, la prière maintient ces moines dans leur quête.

Peut être est-ce l'influence des images du monastère dans la montagne enneigée, mais ces moines m'ont également fait penser aux moines bouddhistes, retirés complètement dans des temples, qui méditent à longueur de journée, loin de tout. Resterait à définir la différence entre méditation et contemplation ?

Matthieu Ricard, moine bouddhiste connu, a écrit un livre dont le titre est "L'Eternité dans la paume de la main", et bien en sortant de la salle on a l'impression d'avoir frôlé cette éternité, tant Philip Gröning a su établir la relation au temps. Ce film long de plus de deux heures est aussi un film sur le temps, par le rythme des journées et le rythme des saisons.

Des scènes émouvantes restent à l'esprit, en particulier le moine aveugle, le seul à parler dans le film, le portrait d'un moine  âgé, grabataire et presque au bout du chemin, les soins à l'infirmerie.

Nous devons remercier Philip Gröning pour ce film hors du commun, et aussi, bien sûr, ces moines qui ont accepté de nous livrer ce qu'ils ont de plus intime.

 Pour en savoir plus sur le film : cliquer ici

   

 

Photo extrait de http://www.chartreux.org/fr/frame.html

Ce film a eu le prix du meilleur documentaire 2006 de l'European Film Academy.

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